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FRANÇOIS MAYNARD


1582 — 1646



Malherbe parlant do ses élèves, ou selon le mot du temps, do ses écoliers, disait que Maynard était celui de tous qui faisait le mieux les vers : il ajoutait seulement qu’il manquait de force, et qu’il avait eu tort de s’adonner à l’épigramme, n’ayant pas assez de pointe d’esprit pour cela. Ce jugement consigné par Racan dans sa vie de Malherbe et répété depuis par tous les biographes a besoin aujourd’hui, pour être bien compris, d’un peu d’éclaircissement. Nul doute que les vers de Maynard ne soient meilleurs ou mieux faits que ceux de Colomby, d’Yvrande et de Touvant que Malherbe avouait pour ses élèves : il est même certain que s’il n’a pas la grâce du vers de Racan, son vers a une fermeté, une précision qui sentent mieux l’écrivain et qui fixent l^image ou la pensée dans la mémoire. Pellisson attribue cette netteté du style de Maynard au soin qu’il prenait de détacher ses vers les uns des autres en renfermant dans chacun un sens déterminé. Celte observation est confirmée par Maynard lui-même dans une de ses lettres*, où il avoue que ce système, qu’il s’est toujours efforcé d’appliquer, lui paraît non-seulement le meilleur, mais le seul bon et le seul raisonnable. Ce système étrange que Maynard, quoi qu’il en dise, n’a pas toujours suivi, par la raison qu’un bon poète ne s’y saurait astreindre, a, du

1 C’est la 17e du recueil des lettres de Maynard ; elle est adressée à son ami M. de Flotte t « Pour ce que vous m’escrivez du détachement de mes vers, vous avez le nez trop bon pour ne pas reconnaître que c’est une façon que j’affecte et contre laquelle il y aurait bien de la peine à me faire révolter. Devant toute la terre je soutiendray que c’est la bonne façon d’escrire… Je ferois un livre entier là-dessus, et sachez que je ne puis m’empescher de rire lorsque je lis des vers qui sont faits d’autre façon. »