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JEAN CHAPELAIN


1595 — 1674



Jean Chapelain, de l’Académie française, est un exemple mémorable des vicissitudes de la renommée littéraire. Considéré pendant sa vie comme le parangon du génie et du savoir, oracle des cercles les plus vantés et les moins accessibles, de l’hôtel de Rambouillet comme de l’hôtel de Longueville, consulté par Colbert, honoré par les cardinaux de Richelieu et de Mazarin, accueilli par les grands, recherché et loué par ses confrères, il s’est vu en quelques années dépouillé de tout prestige et même de toute gloire, et ravalé au rang des écrivains médiocres et ridicules. Il ne faut pas faire aux seules épi grammes de Boileau tout l’honneur de cette décadence : Boileau, dans tout ce qu’il a écrit sur les poètes de la fin du xvie siècle et du commencement du xviie n’a été que l’interprète d’une révolution de l’opinion publique, révolution pour ainsi dire fatale, et causée précisément par l’importance subite acquise aux jugements du public sur les ouvrages de poésie et de littérature. La découverte de l’imprimerie, en multipliant progressivement le nombre ^es lecteurs, rendit tributaires du public les écrivains et les poètes qui auparavant n’avaient relevé que de leurs pairs, c’est-à-dire des experts et des savants. Les experts n’exigeaient d’eux que d’exceller en prose ou en vers:le public leur imposa, pour première loi, d’être clairs et agréables; tel est, en deux mots, le sens de cette révolution dont Boileau fut non le promoteur, mais l’interprète, ce qui suffit encore à sa gloire. La pédanterie fut mise en déroule, mais non sans quelques pertes pour l’art : il suffit, pour s’en convaincre, de comparer les postes d’avant Boileau, les contemporains de Régnier et de Malherbe, aux poètes de la fin du siècle et du siècle suivant, aux Senecé, aux La Fare, aux Chaulieu, aux Dorât, etc. Aussi est-il arrivé que, si les