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BRÉBEUF


1618 — 1661



Dom Bonaventuro d’Argonne (Vigneul-Marvillo), remarque, en ses Mélanges, que la Normandie est, de toutes les provinces de France, celle où les poètes naissent le plus facilement : il cite Jean Marot, Malherbe, Patris, Sarrasin, Segrais Georges et Madeleine de Scudéry, Saint-Amand, les deux Corneille, Brébeuf, Benscrade et le cardinal Davy Duperron ; et il conclut de cette quantité de poètes que le tempérament flegmatique, le plus commun en Normandie, est le plus favorable à la fureur poétique.

S’il a jamais été permis de mêler la nosologie à la littérature, c’est bien à propos de Brébeuf, qui, à la difformité près, fut aussi maltraité d’Esculape que Scarron, et qui, selon ses biographes, ne put donner au travail que les heures d’intervalle que lui laissait une fièvre lente qui le mina pendant vingt ans. Ses lettres à ses amis sont pleines de doléances sur ses maux, sur les rhumatismes qui l’accablent, sur les douleurs de dents qui le torturent, sur la fièvre et l’insomnie qui l’épuisent ! Tellement qu’il est merveilleux, comme le dit avec raison Goujet, qu’accablé de tant d’infirmités il ait pu faire encore ce que nous voyons. Et en effet l’œuvre de Brébeuf, qui forme, en y comprenant ses ouvrages posthumes, sept à huit volumes dont un de poésie épique, n’est point inférieure pour le nombre à celles de la plupart des poètes de son temps ; surtout si l’on considère que ce valétudinaire mourut à quarante-trois ans. Assurément, ce mauvais état de santé a dû laisser des traces dans l'œuvre de Brébeuf ; non pas à la vérité celles qu’ont relevées les critiques de son siècle et du siècle suivant, qui tous ont attribué à la maladie la négligence et l'inégalité tant reprochées au style de Brébeuf. Un littérateur de nos jours, M. Gabriel