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MOLIÈRE


1622 — 1673



Ce n’est pas l’auteur de comédies, dont on a tant parlé sans tout dire cependant, que nous allons étudier en Molière, c’est l’homme même, en le cherchant surtout dans la passion qui le posséda le plus, et tout entier : l’amour. S’il entra dans la voie où l’attendaient tant d’épreuves et tant de gloire, c’est que l’amour l’y entraîna. Si, parmi tant d’œuvres admirées, il en est quelques-unes où le sentiment humain éclate encore mieux qu’ailleurs et sur lesquelles il semble qu’on entende retentir « ce rire amer, » véritable accent de l’humaine comédie, dont parlait Boileau après avoir écouté Molière dans certaines parties au Misanthrope ; c’est que, pour ces œuvres supérieures aux autres, parce qu’il y laissa plus de lui-même, l’amour, avec ses dépits, ses douleurs et ses désespoirs, l’inspirait.

Je sais, parmi les chants de la Grèce héroïque, une chanson dansée, où la comédie primitive cueillit toutes faites quelques-unes de ses plus folies scènes d’amour, et qui nous donne aussi, en sa fleur la mieux épanouie, la partie amoureuse de l’œuvre de Molière. La connaissait-il ? Je le crois, car, parmi les choses de l’antiquité, il en est peu qu’il ignorât ; mais son cœur aussi pur, aussi vrai que celui des hommes primitifs à qui l’idée en était venue, aurait pu la trouver de lui-même. Cette chanson tout égayée de danse est, ce qu’on appelait, dans Égine, Athènes, ou Sicyone, le chant amœhée. Au milieu d’un cercle de belles jeunes filles et de beaux adolescents s’avançaient un jeune homme armé d’un glaive d’or, et une vierge couverte d’un voile et couronnée de fleurs. Ils chantent, ils dansent, et leurs danses et leurs chants expriment l’amour dont ils sont épris. Mais voilà qu’ils se séparent, le dépit éclate dans leurs paroles et sur leurs visages. Ils se fuient, puis reviennent, mais pour se fuir de nouveau. Encore quelques instants, et le dépit