Page:Crépet - Les Poëtes français, t3, 1861.djvu/295

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BERNIS


1715 — 1794



Est-ce un poëte ? Est-ce simplement un homme d’esprit ? N’est-ce pas, avant tout, un de ces favoris de la fortune, pour lesquels elle garde, en jalouse, le trésor avare des destinées heureuses ? Voilà ce qu’involontairement on se demande en fermant ce livre, où paillettes et fleurettes brillent et fourmillent tour à tour devant le regard indulgent qui sourit ; en songeant aussi à cette vie molle et douce, où les joies et les honneurs sont venys, comme d’eux-mêmes, s’ofîrir à la main potelée de cet enfant gâté. Il avait intimement conscience de cette prédilection du sort. Il se livra tout d’abord avec une insouciante sécurité, qui a sa grâce, aux caressantes promesses d’un avenir qui semblait ne pouvoir lui échapper. Lui-même, en parlant du jour de sa naissance, ne dit-il pas avec un sentiment épanoui où se mêle autre chose que de la félicité poétique :

C’était lorsque Vénus remonte vers les eieux,
Pour quelque amant chéri venue en ees bas lieux ;
Au moment où l’Aurore avec ses duijts de roue
Sépare en souriant la nuit d’avec le jour,
Et que la terre qui repose
Est des dieux regardée avec des yeux d’amour.

Comment ne pas s’associer à cette lyrique sérénité ? On le croirait volontiers le fils de Vénus elle-même ; un fils qu’en effet elle eût amoureusement doué de grâce et de beauté, sur la joue ronde duquel fût tombée une des roses matinales échappée aux doigts de la mythologique Aurore. Pourquoi les abeilles de Platon ne sont-elles pas venues effleurer les lèvres de Bernis ? Un épigrammatiste d’anthologie dira peut-