Page:Créquy - Souvenirs, tome 6.djvu/13

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tesse, et comme aurait pu faire un Grec du Bas-Empire à l’Impératrice et Reine éternelle, au palais des Blaquernes, au temps des Cantacuzènes et des Parapinaz.

M. de Maurepas s’aventura jusqu’à parler du vif désir exprimé par cet estimable écrivain, lequel ambitionnait de venir à Versailles, afin de s’y pouvoir trouver sur le passage de S. M. Mais le Roi déclara qu’il n’aimait ni n’estimait M. de Voltaire, et que c’était déjà beaucoup d’indulgence à lui de fermer les yeux sur sa présence à Paris. On espéra qu’il ne tarderait pas à s’en retourner à Ferney, comme il en donnait l’assurance, et les choses en étaient là lorsqu’il fut pris d’un crachement de sang dont Mme Denys s’effraya très justement. C’était à la suite des répétitions de sa tragédie d’Irène, dont il avait pris la peine de déclamer tous les rôles, afin de guider les comédiens et de leur en donner le ton, disait-il. Comme il ne trouvait jamais qu’on pût et voulût crier assez fort, il avait tant crié qu’il s’était rompu un vaisseau dans la poitrine, et Tronchin déclara formellement à ses parents et ses amis qu’il n’en reviendrait pas.

On imagina pour le désennuyer de lui faire lire, par M. Laharpe, une tragédie dudit M. Laharpe, mais il parut que la mauvaise déclamation de cet auteur ne le fatigua pas moins que les nombreuses corrections qu’il ne pouvait s’empêcher de lui indiquer. Il en eut un redoublement de fièvre, et Tronchin défendit qu’on lui parlât de littérature, de politique ni de religion surtout ! Tronchin savait très bien qu’il allait mourir, mais ceci n’a rien