Page:Créquy - Souvenirs, tome 6.djvu/20

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du matin, et cette belle discussion pour 40 sous dura toute la journée.

Cependant Mme Vestris avait fini par apprendre son rôle d’Irène à la satisfaction de Voltaire, et si mauvaise actrice qu’elle fût, on décida qu’elle y serait incomparable. La tragédie ne valait pas mieux que la comédienne, et le public en accueillit froidement la représentation. Mais comme elle ne fut pas sifflée, par suite de l’urbanité française et par égard du parterre, à raison de la renommée, de la vieillesse et de la maladie de l’auteur, on n’eut pas de peine à lui persuader que sa pièce avait été, comme on dit en termes de coulisses, et de foyer, portée jusqu’aux nues ; on ajouta que toutes ses allusions contre les prêtres avaient été saisies et applaudies avec une intelligence et par un enthousiasme admirables, et voilà qu’il prit la résolution d’assister à la deuxième représentation de son poème et de se transporter au Théâtre-Français. Mme de Villette écrivit au Maréchal de Beauvau pour le prier de vouloir bien prêter sa loge à M. de Voltaire ; et comme cette loge était une de celles de MM. les Premiers-Gentilshommes de la chambre et les capitaines des gardes-du-corps, M. de Beauvau commença par s’assurer si LL. MM. ne le trouveraient pas mauvais. Ce sera ridicule, et puis voilà tout ; faites comme vous voudrez, lui dit le Roi. Mais laissons les acteurs et les machinistes ajuster leurs décorations philosophiques ; nous allons revenir à la Comédie-Française en sortant de l’Académie.

M. Dalembert avait organisé, quelques jours