Page:Créquy - Souvenirs, tome 6.djvu/27

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mère, une chanson des plus charmantes[1] ! Voltaire en avait à raconter pour une heure, et quand on avait le malheur d’en rire, il se mettait en fureur. Il n’était pourtant pas guéri de ses hémorragies pectorales, il ne vivait que de purée de fèves, et du reste il était si pleinement rassuré sur son état, que dans une seule et même journée, il alla se faire de fête à une séance maçonnique de la loge des Neuf-Sœurs, où le grade de Rose-croix lui fut conféré par M. le Duc d’Orléans. Il fut ensuite assister à une représentation de l’Amant romanesque de Mme de Montesson, chez elle, et finalement il alla souper chez la Maréchale de Luxembourg où je ne m’étais pas souciée de le rencontrer. Il y fut singulièrement aimable pour votre père, auquel il assura qu’il ne manquerait pas de venir me voir te lendemain. Mais il était sorti pour la dernière fois de sa vie : il eut un accès de fièvre ardente avec une forte hémorragie pendant la nuit ; j’envoyai demander de ses nouvelles en représailles de ses compliments, et celles que René Dupont me rapporta furent celles-ci : On ne laissait monter absolument personne et l’on n’en disait pas moins, à la porte de M. de Villette où l’on montrait un bulletin favorable, mais qui n’était signé d’aucun médecin, que M. de Voltaire était

  1. — Je suis bien aise de faire sa connaissance, votre connaissance avec elle, et connaissance avec vous.

    J’espère que vous aurez soin d’abandonner cette locution vicieuse et ridicule aux Alsaciens, à qui tous les princes allemands et leurs envoyés tudesques l’ont empruntée.