Page:Créquy - Souvenirs, tome 6.djvu/61

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que je l’y prenais en fraude, il me disait en rougissant qu’il avait peur d’en agir envers lui-même avec un ménagement injuste, et qu’il aurait honte de paraître meilleur qu’il ne l’était véritablement. — Mais, lui répondais-je, s’il est criminel et honteux de calomnier les autres, il ne doit pas être permis de se calomnier soi-même en écrivant les mémoires de sa vie ; on s’expose à donner mauvais exemple, et tout au moins du scandale ; enfin, comment avez-vous pu varier et vous tromper sur un article pareil à celui dont il s’agit ? et c’était principalement là-dessus qu’il entrait en impatience au point de m’en impatienter. Je sais positivement qu’il existe deux copies des Mémoires ou Confessions de Rousseau qui ne sont pas semblables, et l’un de ces deux manuscrits contient des révélations tellement fâcheuses contre la secte philosophique, que je ne doute pas que les coryphées de ce parti n’emploient tous les moyens pour le soustraire à la curiosité du public [1].

  1. Les Confessions de J-J. Rousseau ont été publiées en 1784 ; le Chevalier de Bonnivard, neveu de Mme de Warrens n’a pas manqué de faire démentir les infamies que leur auteur avait accumulées sur cette malheureuse femme. Ce mémoire justificatif, que tout le monde peut lire est terminé par une lettre de Claude Anet qui vivait encore au mois de juillet 1786, à Coutamines-sur-Arve, en Savoie ; ainsi tout ce que Jean-Jacques nous a conté sur le mouvement de joie qu’il n’avait pu s’empêcher d’éprouver à la mort de son ami Claude Anet, en pensant qu’il allait hériter de son bel habit noir, qui lui avait donné dans la vue, est une fausse confession un aveu mensonger, une invention calomnieuse à l’égard de lui-même ; ainsi, jugez du reste ?
    (Note de l’Auteur.)