Page:Créquy - Souvenirs, tome 7.djvu/13

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Écoutez un autre commérage qui me revient à la mémoire. Mme de Beauharnois tenait la fille ainée du Prince Louis de Gonzague sur les fonts de baptême à St-Sulpice, et le Maréchal de Brissac était son compère. Le Curé lui demande son nom de baptême (au Maréchal) et le voilà qui tressaille et se gonfle en son juste-au-corps en regardant le questionneur entre les deux yeux, portant la main sur le pommeau de sa grande épée en proférant comme un cri-de-guerre avec une voix qui fait trembler tous les vitraux : Timoléon, morbleu ! Timoléon !!!

Mme de Beauharnois lui dit après la cérémonie : — Auriez-vous l’obligeance de me dire pourquoi vous avez eu l’air de vous courroucer ?… — Ma commère ! lui répondit-il en vert-galant qu’il était, ce sont choses à ne point dire à votre Mignonerie qui les tiendrait pour ennuyantes, et elle ne put savoir de quelle mouche il avait été piqué !

Je lui dis que le Maréchal avait peut-être été surpris qu’on pût ignorer quel devait être son nom de baptême, parce que les Timoléon reviennent souvent dans la généalogie des Cossé-Brissac. — Mais, répliqua-t-elle, est-ce que c’est un point d’érudition qui soit obligatoire pour le Curé de notre paroisse ?

On n’a jamais raconté si parfaitement bien que Mme de Beauharnois ; on n’a jamais exprimé si délicatement certaines choses qui doivent rester en sous-entendu lorsque c’est une femme qui parle, et pourtant la précision n’en souffre en aucune façon. Il est impossible d’oublier une histoire qu’elle vous a contée. Je lui demandais un jour comment il se fai-