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VIII
PRÉFACE

là confuse, prend un corps. Il proclame la nécessité de l’histoire littéraire ; il en détermine les caractères avec une netteté d’intuition surprenante ; il déplore que personne encore ne s’y soit appliqué. L’histoire générale sans histoire littéraire ressemble, dit-il, à une statue de Polyphème dont l’œil serait crevé : ce qui manque alors au tout, c’est justement la partie qui fait le mieux connaître le génie propre et la nature de la personne[1]. « Avant tout, dit-il encore, que l’historien des arts et des lettres se préoccupe de ce qui est l’honneur et comme l’âme de l’histoire politique, c’est-à-dire la liaison des effets et des causes ; il faut qu’il rappelle la nature du pays et celle de la race, son aptitude innée ou au contraire son défaut d’aptitude aux diverses sciences, les circonstances historiques favorables ou défavorables, les influences religieuses, celles qui viennent des lois politiques, enfin le mérite éminent et l’action féconde des individus pour le progrès des lettres, et les autres faits du même genre. Mais, dans l’étude de ces choses, je veux qu’au lieu de passer tout son temps, comme font les critiques, à distribuer l’éloge ou le blâme, on se place à un point de vue franchement historique, en disant ce qui est, et ne mêlant qu’avec réserve des jugements aux récits[2]. »

  1. De Augmentis Scientiarum, livre II, chap. iv (tome I, p. 118 et suiv. des Œuvres philosophiques de Bacon, édition Bouillet, Paris, 1834).
  2. At haec omoia ita tractari praecipimus ut non criticorum more in laude et censura tempus teratur, sed plane historice res ipsae narrentur, judicium parcius interponatur (p. 119).