Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t1.djvu/228

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

178 CHAPITRE III. — FORMATION DE L'ILIADE

Lorsqu'il nous raconte la querelle d'Agameranon et crAchille, il est tout entier à retle querelle, seul cl unique sujet de son récit, et il ne nous parle ni des émotions des assistants ni du lieu où les choses se passent: la peste même, qui pendant neuf jours dé- vaste le camp, est indiquée sommairement, mais non décrite. Nous sentons un esprit attaché à une seule grande idée, qui ne voit rien au delà ni à côté. La même netteté précise, la même rapidité, la même manière de dégager le principal des acces- soires nous frappe dans le récit du combat final entre Achille et Hector au vingt-deuxième livre : pas un mot des témoins ni de leurs sentiments pendant toute la narration proprement ditc\ pas un détour, pas un arrêt ; il n'y a pour le poète et pour nous que deux hommes en présence, Tun déjà vainqueur, l'autre qui retarde sa mort plutôt qu'il ne défend sa vie ; l'action tend à son dénoiiment par une suite de progrès rapides, en droite ligne. Voilà ce qui apparaît clairement dans toutes les grandes scènes de V Iliade, Il y a donc un contraste frappant entre l'art de composer qui se révèle dans les parties considérées isolément et celui qu'on cherche dans rensemble. Autant l'un est rapide, sur de lui-même et de son dessein, habile à se passer d'épisodes et à trouver dans le sujet même l'abondance et la variété, autant l'autre est lent, incertain, accoutumé à s'égarer et à suppléer par de petits artifices à Tabsence des grandes lignes. En présence d'une diversité aussi profonde, on est en droit de dire que ces deux ma-

��1. Ce sileucc est d'autant plus remarquable que les parents et les amis d'Hector sont censés assister au combat du haut des murs d'Ilion, et, qu'avant le combat, Priam et Hécube out chcrclié à obtenir de leur fils qu'il rentrât dans la ville.

��� �