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238 CHAPITRE IV. — L'ART DANS L'ILIADE

convenons ; mais c'est une rhétorique toute priini* livc, tout élémentaire, faite surtout d'expérience personnelle, d'observation, d'imitation directe. Elle sort de la vie, et non de l'école. Une chose remar- quable dans ces discours, c'est le grand rôle que le caractère de l'orateur y joue. Les personnages se jettent, pour ainsi dire, tout entiers dans la discus- sion : il semble qu'ils comptent moins pour per- suader sur leurs arguments que sur leur autorité personnelle. Ils discutent pou, ils n'entrent presque jamais dans les raisons de leurs adversaires, ils ne vont pas chercher les objections pour les réfuter, ils aiiirment et ils veulent être crus. IVailleurs ils ne développent pas, parce qu'ils ne savent pas analyser. Ils conçoivent les choses fortement, mais d'un seul coup, et ils voient chaque pensée comme un tout indi- visible. Une courte phrase, un seul mot même est quelquefois pour eux l'équivalent de toute une dé- monstration par l'intensité de passion qu'ils y met- tent. C'est donc la force et la justesse naturelle de Tailirmation qui font surtout la valeur de cette élo- quence. Par là même, son mérite dramatique est émincnt. Ce sont Jes grands discours de V Iliade qui mcttenl surtout en relief les personnages; ils ne sont pas seulemenl un ornement du poème, ils en font la vie cl rexcellence morale.

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��Le don de créer des êtres fictifs semblables à des êtres réels a été le don homérique par excellence. C'est cette qualité éminente qui a mis le premier auteur de V Iliade si fort au-dessus de ses devanciers, et bien que ses successeurs naient pu l'égaler à cet

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