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254 CHAPITRE IV. — LAKT DANS L'ILIADE

au fond d'une grotte, où il trônait comme un roi; quand il sortait de là, on se le représentait traversant les mers en dominateur, apaisant ou soulevant les flots à son gré. entouré d'un cortège tumultueux de monstres marins qu'une sorte de terreur religieuse attirait au passage de leur maitre. Tout cela était le fond même de la croyance populaire : ces images étaient familières à tous les esprits, et le poète n'avait qu'à les dégager, à les rendre plus lumineuses, pour que ses auditeurs reconnussent avec une pieuse admiration dans ses descriptions éclatantes ce qu'ils entrevoyaient dans leur propre pensée. A chaque instant dans V Iliade la nature apparaît ainsi derrière les dieux, et elle jette sur eux comme un reflet de sa beauté grandiose. D'ailleurs ces dieux ne sont pas seulement des personnifications plus ou moins transformées de ses phénomènes changeants. Ils la représentent aussi en ce qu'elle a d'ordonné. La reli- gion grecque, au temps de Y Iliade^ impliquait déjà, dans sa conception du monde, des idées de régula- rité et d'unilé, dont la notion des dieux ne pouvait manquer de profiler. Ces idées se personnifient tout particulièrement dans la Destinée, qui se laisse aper- cevoir dans le poème comme supérieure aux dieux, sans que le poclc d'ailleurs paraisse songer aucune- mont à en préciser la vraie nalurc ni les rapports cxacls avec les passions divines. C'est une notion obscure encore, mais singulièrement forte et majes- tueuse, (|ui donne à toute la philosophie du poème une profondeur remarquable. La même conception fondamenlale explique aussi toute la hiérarchie di- vine, et pai* conséquent la suprématie de Zeus. Cette suprématie, il est vrai, est éludée et même bravée, mais jamais d'une manière définitive. Zeus en somme se fait obéir de tous ; sa volonté n'est pas seulement

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