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268 CHAPITRE IV. — L'ART DANS LILIADE

c'était le privilège de ce rythme si net, si aisé à saisir, qu'en le brisant ainsi on ne le détruisait pas. Mais si tout était possible dans cette versification si appropriée à Tépopée, rien n'y était 'indifférent. Elle mettait en relief admirablement ce qu'on la chargeait de faire valoir, et VIliade atteste dans ses parties les plus anciennes à quel point les vieux poètes épiques de l'Ionie avaient le sentiment pro- fond et délicat de ce qu'ils pouvaient demander à un instrument si excellent. L'appropriation du vers et de ses artifices à la pensée et surtout au senti- ment est chez eux admirable. C'est en partie l'habi- leté de leur versification qui nous fait voir les choses, quand ils décrivent, ou entendre jusqu'à l'accent des personnages, quand ils les font parler^ De tout cela résulte la beauté propre de la poésie de VIliade. Elle est de telle nature qu'il n'est besoin d'aucune réflexion pour la comprendre. Une ri- chesse infinie de pensées et de sentiments dans une transparence incomparable de langage et de versi- fication, voilà en quelque sorte sa formule. Ce qui la caractérise éminemment, c'est qu'elle est avant tout une poésie parlée ou chantée, et non écrite. Peu importe ici la date de Técriture et la question de savoir si en fait aucune partie du poème n'a été écrite par son auteur. Dans l'ensemble la poésie de

��1. Qu'on relise par exemple ces quatre vers des meuaces d'Agamcmooo à Clirysès (I, 29-32) :

Tt)v o' i^ùi ou Xuaoj, Tipiv (xiv xai YTjpa; e:;£17'.v

7]u.EXc'pu) êvi o^xco, £v "Apysi, TTjXdOi izixpri^y

loxov E2coiyo[xevY)v xai Èfxôv X^yo; avTidtuaav

aXX ÏOi, {XTJ fx' ep^OiJ^e, aawTesoç oJ; xe vcr^ai. Il n'est personne qui ne sente ce que la coupe de ces vers, la va- riété de leur allure, la composition prosodique des mots et enGn leur place ont de valeur dramatique.

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