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LIVRES V-VIII 285

le fond du tableau. Quant aux personnages, l'ima- gination du poète n'est pas inoins heureuse pour les créer. C'est d'abord la jeune et gracieuse Nausi- caa entourée de ses compagnes. La scène célèbre où elle accueille Ulysse est vraiment admirable par la vive lumière qu'elle jette sur le caractère du hé- ros. Dans cette nature si énergique apparaissent ici tout naturellement la douceur, le respect pour des jeunes filles, un don de persuasion incomparable, quelque chose de caressant dans le langage, et une touchante fierté jusque dans la supplication la plus humble. C'est une sorte de repos que cet entretien après l'action tourmentée du livre précédent, mais un repos qui est encore profitable au développement du caractère principal.

Les scènes suivantes, c'est-à-dire l'entrée d'Ulysse dans la ville des Phéaciens, son arrivée au palais, l'accueil du roi Alkinoos et de la reine Arété, ne sont pas moins profondément empreintes du dessein original de l'auteur. Au milieu des descriptions, c'est toujours le personnage d'Ulysse qui prédomine. Assis en suppliant dans la cendre du foyer ou invité par le roi à prendre place auprès de lui, il garde sans effort sa dignité naturelle. Quelque chose de supérieur, qui est en lui, le relève de son humilia- tion et se fait sentir soit dans la beauté simple de sa prière, soit dans la gravité forte et modeste de son récit.

Toutefois c'est avec ce premier récit d'Ulysse

��Le changcmcut de temps (le présent succédant à l'imparfait) est un simple procédé do style des plus naturels ; vi il n'y a rien à couclure de ce que le poète décrit des choses qu'Ulysse ne peut voir; car cette remarque s'appliquerait aussi bien à la description précédente que l'on ne songe pas à suspecter.

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