Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t1.djvu/340

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flottante qu’il a quittée depuis neuf jours. C’est là un merveilleux inutile, purement artificiel, et fort différent de celui du livre précédent. — Le même caractère est sensible dans l’épisode des Lestrygons qui suit immédiatement (v. 77-132). Ulysse raconte encore ici ce qu’il n’a pu voir par lui-même ni apprendre do personne (v. 103 et suiv.) ; et tandis que les Lestrygons sont des géants anthropophages, la fille du roi Antiphate ne se distingue en rien des femmes ordinaires (comparer 105-110 et 111-112). En outre l’épisode dans son ensemble n’est qu’une variante de celui du Cyclope, mais une variante sans valeur originale. — Fuyant avec un seul vaisseau, Ulysse arrive dans l’île d’iEaea, qu’habite Circé. Il faut noter ici, en passant d’un épisode à l’autre, la monotonie des transitions (IX, S65 ; X, 78 et 133) qui sont copiées uniformément sur le vers 105 du neuvième livre (Ivôev 8à xpoTépw xXiojjtev cnco^ïjiJLévsi frrop). C’est ce dixième livre, à vrai dire, qui rend impossible toute géographie de V Odyssée^ parce que son auteur n’en a eu aucune lui-même dans l’esprit, à la différence de celui du neuvième livre, qui se représentait avec une certaine précision l’itinéraire de son héros \ Le trait caractéristique de l’épisode de Circé, c’est la magie, qui ne figure nulle part ailleurs dans V Odyssée^, Mais outre cela, le récit se distin-

1. Eratosthène disait (Strabon, I, p. 31 Mcineke) que pour déterminer l'itinéraire d’Ulysse, il faudrait d’abord retrouver l’ouvrier qui avait cousu l’outre où étaient enfermés les vents. Il y avait beaucoup de vérité dans ce bon mot ; car une fois l’outre ouverte, nous somme» perdus.

2. Il est à remarquer qu’eu effet Circé n’opère pas ses métamorphoses par un pouvoir divin qui soit en elle, comme font ordinairement les dieux homériques, mais à l’aide de drogues et