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300 CHAPITRE V. — ANALYSE DE L ODYSSEE

veaux le personnage d'Athénéqui manquait dans un certain nombre des anciens, et de justifier cette différence, ce que le poète fait ingénieusement. Athéné allègue qu^elIe n^a pas voulu combattre Poséidon (v. 312-351). Mais cette justification même, tout habile qu'elle est, révèle le continuateur, sou- cieux de raccorder ses propres conceptions avec le plus de vraisemblance possible à des créations poé- tiques déjà célèbres V Tout le treizième livre porte d'ailleurs au plus haut degré les caractères qui vont dominer dans les meilleurs chants de la fin du poème. Le récit y est peu dramatique, mais d'une poésie simple et pure, qui a parfois sa grandeur et qui attache par la vérité morale. L'auteur se plaît aux fictions ressemblant à la vérité, telles que le récit de pure invention fait par Ulysse au jeune pâtre. Il est conteur avant tout, et il l'est avec un grand agrément. Le merveilleux est pour lui un élément traditionnel qu'il emploie à propos, plutôt qu'une ressource poé- tique : au lieu d'en user, comme l'auteur des chants relatifs àCircé, pour le plaisir d'étonner, il s'en sert discrètement pour les besoins de son récit, mais il n'y attache aucune importance, parce que rintcrôt à ses yeux est ailleurs. C'est par la finesse délicate du sen- timent qu'il excelle, et la grâce spirituelle est innée en lui. L'entretien du héros et de la déesse, si ingé- nieusement varié dans ses diverses phases, est à cet égard un véritable chef-d'œuvre, bien que peut-

��1. Il esl à peine besoin de faire remarquer cunibien la raison donnée par Atlicnc est insuffisante au fond. Car antcrieurenieut à l'ofTense faite par Ulysse à Poséidon, elle n'agit pas plus en sa faveur qu'après, et de plus cette réserve qu'elle s'attribue ici n'est guère en accord avec l'initiative hardie qu'elle prend dans ras- semblée du premier livre.

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