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330 CHAPITRE VI. — FORMATION DE L'ODYSSEE

du lecteur le plus grand nombre d'exemples pos- sible sous forme d'événements imaginaires ; Faction ne sert qu'à faire naître ces exemples, en y mêlant un élément dramatique qui ne devient jamais pré- dominant. Mais on ne se représente vraiment pas un poème épique ainsi constitué. Si les chants rela- tifs à Télémaque nous semblent déjà longs et lan- guissants dans VOdysséCy combien ne seraient-ils pas plus dénués d'intérêt, s'ils nous étaient présentés comme quelque chose de distinct et s'ils préten- daient nous attacher par eux-mêmes. Une telle hypo- thèse est contraire à l'évidence même des choses. Destinés dès l'origine à servir d'introduction, ces chants ont tiré de là leur caractère propre, et si l'imperfection des raccords trahit un arrangement, ce n'est pas une raison pour méconnaître le dessein manifeste du poète qui l'a opéré.

Un autre groupe qui pourrait, dans V Odyssée ac- tuelle, se prêter à l'hypothèse d'un isolement pri- mitif, est celui des récits d'Ulysse chez les Phéa- ciens. Sur ce point, il importe de bien s'entendre. Si l'on veut dire simplement que ces récits ont pu exister en tout ou en partie sous une forme primitive avant d'être mis dans la bouche d'Ulysse, nous l'ad- mettons et nous chercherons même à l'établir un peu plus loin. Mais si l'on prétend que les récits de VOdyssée ne sont autre chose que ces chants anté- rieurs textuellement reproduits, sauf les niodifi- rations de désinences nécessaires pour les mettre dans la bouche du héros lui-même, cela nous partit impossible à accepter. M. Kirchhoff a soutenu celle opinion pour une partie de ces récits (livres X cl XII), en faisant remarquer ingénieusement qu'Ulysse raconte dans plusieurs passages des choses qu'il ne peut savoir; invraisemblance qui disparaîtrait si le

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