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XXVIII
PRÉFACE

vue du public anglais, devait être, par sa destination même, clair et lisible, savant sans étalage d’érudition, agréable même s’il était possible. Le talent de Müller en fit une œuvre d’art. La forme et le fond y étaient dignes l’un de l’autre. Un savoir immense, attesté par d’admirables travaux antérieurs, avait amassé les matériaux du livre. Un goût exquis les avait choisis et disposés. L’intelligence ou, mieux encore, le sens délicat des choses grecques s’y révèle à toutes les pages ; une sensibilité littéraire à la fois discrète et profonde les anime et les échauffe. Une veine d’éloquence absolument exempte de rhétorique, toute sortie du fond de l’âme (βαθείας φρενός, comme dit Pindare), et soutenue par une connaissance profonde du sujet, court dans tout le livre et s’y répand. Il faut se reporter à la date où parut ce livre pour en sentir tout le prix. Sans doute, certaines parties de l’histoire littéraire avaient déjà été traitées en France avec des mérites analogues. Mais c’était de l’histoire littéraire moderne. L’antiquité grecque et latine semblait réservée aux historiens de l’espèce de Schœll. Otfried Müller prouva le contraire. Son œuvre était si nouvelle que des savants de mérite, parmi ses compatriotes, ne la comprirent pas : ils reprochèrent à Müller de n’avoir pas fait une compilation érudite. C’était justement de quoi il fallait le féliciter. Des livres d’érudition peu lisibles peuvent avoir leurs qualités, mais quel charme aussi, et quel profit, d’entrer dans l’étude des lettres grecques sous la conduite non plus d’un