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UNITÉ PRIMITIVE DU POÈME 495

tiques, de récits mythiques, attribués à Hésiode, mais dus en réalité à des poètes divers. Bien loin de présenter une suite logique, ce recueil, selon le cri- tique, n'était qu'un assemblage purement artificiel, dans la formation duquel de simples rapprochements de mois avaient déterminé l'association des idées: Tordre adopté serait en somme un ordre alphabé- tique approximatif*.

Cette critique a eu deux bons résultats, qu'on peut regarder comme acquis. Elle a parfaitement mis en lumière les remaniements nombreux dont le texte hésiodique a été l'objet, et elle a détruit pour jamais l'habitude d'y chercher une suite de pensées non interrompue. Nous lui reconnaissons ce mérite, mais nous ne pouvons accepter ses conclusions.

Et d'abord est-ce une idée bien juste que d'attendre d'un poète de cet âge une logique tout à fait conforme à la nôtre? La difficulté de lier les idées abstraites, de les comparer entre elles, de les ramener à leur unité véritable, cette difficulté si manifeste à l'origine de toutes les littératures, est un des fardeaux qui par- tout ont pesé le plus longtemps sur l'esprit humain. Beaucoup d'exercice est nécessaire à la réflexion pour arriver à former ces longues chaînes de pensées, ces associations claires, bien que complexes, qui constituent un développement oratoire ou didactique sur un sujet de morale ou de philosophie. N'avons- nous pas remarqué précédemment combien l'argu- mentation des orateurs dans les poèmes homériques est encore rudimentaire ? Ils touchent aux pensées

��1. Lehrs va même, dans cette méthode d'analyse et d'émiette- ment, jusqu'à distinguer dans le Mythe des âges l'œuvre de cinq poètes différents, dont les inventions discordantes auraient été combinées (p. 230, noie 13).

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