Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t1.djvu/549

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jamais dans les mémoires dociles des aèdes et des rhapsodes ? Qui pourrait sérieusement penser qu’un tel chef-d’œuvre eût été ainsi rejeté dans l’oubli, sans qu’il en fut resté même un léger souvenir?

Devons-nous donc croire que les Travaux soient un simple recueil formé de pièces diverses sans origine commune? Mais ici, c’est la donnée même du poème qui nous arrête immédiatement. Dans quelle intention un arrangeur aurait-il imaginé cette histoire des disputes de Perses avec son frère ? Une seule est vraisemblable : il aurait pu vouloir par cette fiction prêter à ses préceptes une sorte d’intérêt dramatique. Le poème, tel qu’il est constitué, répond-il à cette intention ? Nous avons déjà dit pour quelles raisons nous ne le croyons pas. Si l’histoire de Perses était fictive, elle serait exposée avec clarté, et sur- tout on en aurait tiré parti au point de vue poétique. En est-il ainsi ? Elle apparaît dans les Travaux à travers des allusions dispersées, elle n’y remplit en aucune façon l’office d’un décor qui fait valoir la pièce. La sincérité du poète se révèle clairement par l’absence de parti pris et de calcul ; il n’exploite pas cette donnée ; donc ce n’est pas lui qui l’a imaginée pour plaire à son public.

L’unité primitive des Travaux semble ainsi établie. Et toutefois, il importe, dans un sujet aussi hasardeux, de ne rien exagérer. La seule chose que nous ayons voulu prouver, c’est que l’ensemble du poème est bien l’œuvre d’Hésiode et qu’il l’a composé à peu près tel que nous le possédons, quant à la forme générale. Mais il ne résulte pas de là que ce poème ait été fait en une seule fois sur un plan arrêté d’avance, ni même qu’il ait jamais été produit dans son entier devant le public auquel s’adressait le poète. En l’absence de renseignements précis sur