Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t1.djvu/558

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

508 CHAPITRE XI. — LES TRAVAUX ET LES JOURS

objet préféré, à lui, simple habitant des champs, n'est pas la gloire, chose étrangère à sa vie, mais le bon- heur. Et ce bonheur, il le conçoit, avec son esprit pratique et ses tendances positives, sous une forme presque toute matérielle, abondance et repos, point de soucis ni de souffrances :

« Les hommes de l'âge d'or, dit-il, vivaient comme des dieux, Tâme exempte de soucis, sans travail et sans douleur. La vieillesse accablante n'était pas suspendue sur leur tête; leurs membres restaient vigoureux jusqu'à la fin, et ils pas- saient le temps dans de joyeux festins, étrangers à tous les maux. En mourant, ils semblaient s'endormir. Tous les biens étaient à leur disposition ; la terre féconde leur donnait d'elle- même ses fruits en abondance, et eux, tranquilles, se parta- geaient ces biens en paix au milieu de l'opulence. ' »

Véritable rêve de paysan fatigué, qui se sent vieil- lir vite sous le poids du labeur quotidien, qui s'in- quiète sans cesse pour sa subsistance mal assurée, et qui n'imagine rien de plus désirable en fin de compte que de pouvoir manger à sa faim et boire à sa soif sans user son corps par le travail ni son àmc par les soucis. Cela est touchant, parce que cela est humain et sincère. Voilà le sentiment qui remplit le poème. Si Hésiode prêche si obstinément le tra- vail, ce n'est pas qu'il raiinc ni qu'il lui attribue, selon la pensée chrétienne, une valeur morale et re- ligieuse. Le travail est pour lui une dure nécessité que les dieux ont imposée àriiomme ; une nécessité et non une épreuve ; une vengeance, et non une punition. Il fait partie de cette immense misère hu- maine dont il a un sentiment si vif et si amer: « La (( terre est pleine de maux, la mer en est pleine !* ».

��1. Travaux, 112-119.

2. Trasaii.r, v. 101 : IIXîiV, jxiv vàp yala y.iXAuy^, ~Xctr, 8^ OaÀaaia.

�� �