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POESIE DE LA NATURE 521

pression sur Hésiode ; quant aux causes cachées, quant à l'harmonie intérieure et profonde, en un mot quant à tout ce qui est au delà de la sensation immédiate, il n'en a ni le souci ni peut-être même le soupçon. Voilà déjà un premier aspect des choses qui n'existe pas pour lui. Il y en a un second qu'il ne voit pas davantage, c'est celui du rôve. Chercher dans la nature une conformité ou un contraste avec les sentiments de l'homme qui la contemple, sa- vourer son silence, jouir de sa sérénité ou l'en ac- cuser comme d'une sorte d'indifférence cruelle, l'admirer enfin dans ses violences ou dans le déploie- ment magnifique et paisible de sa force, rien de tout cela ne lui vient à l'esprit. Et ce n'est pas seu- lement parce que cette façon de sentir est plutôt mo- derne qu'antique : quand même on en trouverait quelque chose chez d'autres poètes grecs, on pour- rait être assuré qu'elle lui est étrangère. Sa préoc- cupation pratique est bien trop forte pour laisser ainsi courir son imagination.

La seule chose qui lui convienne, c'est d'exprimer ce qu'il a vu, entendu ou senti. En le ftiisant, il est grec par la précision, par la finesse, par la sobriété, par l'art de simplifier les choses et de choisir les dé- tails. Jamais de sensations confuses ni surabondantes. Il noie chaque chose par un ou deux traits des- criptifs d'une exquise netteté. Et ce qui fait Tintérôt de cette notation, c'est qu'elle ne dérive pas d'une science écrite et qu'elle semble même n'emprunter presque rien à personne ; l'expérience personnelle du poète en fait tous les frais. 11 a son astronomie à lui, astronomie élémentaire, qui peut bien sans doute lui avoir été enseignée en partie, mais qu'il a confirmée ou complétée dans sa vie passée au grand air et constamment curieuse d'observation. Le mo-

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