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LA LANGUE DHÉSIODE 529

aux choses morales. 11 les rend avec une concision énergique et vive qui lui est propre. Le mot imagé lui vient naturellement à la bouche : « Que le la- it boureur, dira-t-il, trace droit son sillon, sans chercher « de Fœil ses compagnons, le cœur à sa besogne *. » N'y a-t-il pas à la fois une peinture et un sentiment dans cette spirituelle façon de parler ? Et quand il recommande de ne pas prendre un serviteur trop jeune, avec quelle fine intelligence du langage popu- laire ne transforme-t-il pas une expression d'ailleurs courante pour nous faire voir son personnage rêvant à l'heure du travail aux plaisirs de son âge : « Un « homme trop jeune a toujours Fesprit en Pair à la « poursuite de ses compagnons'. » A chaque instant, chez Hésiode, nous rencontrons de ces vives inven- tions de style, qui révèlent le vrai poète. Il sait foire beaucoup avec peu de chose, comme tous les grands artistes; les mots les plus ordinaires deviennent descriptifs entre ses mains par la façon dont il les approprie à son idée. Veut-il nous représenter la moisson mûre et abondante du paysan laborieux que les dieux protègent? Il ne nous montrera pas, comme Virgfile, les blés dorés qui ondulent au loin, car ces grandes images lui sont peu familières ; mais en un vers tout frappé à son empreinte, avec un mot abstrait un peu lourd et un mot pittoresque fort simple, il nous fera voir les tiges qui plient sous le poids des épis bien pleins :

��1. Travaux, 444 : Mtjx^ti narnalytav xcpo; 6(xy[Xixa;. Ce verbe est homérique, mais l'emploi qu*eii fait ici Hésiode a quelque chose de hardi et de très personnel.

2. Travaux, 447 : Koup({i6po( yàp âv^p (leO* éfjiTJXixa; inxoirixon.

3. Travaux, 473.

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