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UNITÉ PRIMITIVE DU POÈME 559

disparaît. On se demande s'il n'en sait pas plus qu'il ne veut en dire, ou au contraire s'il ne répète pas des choses qui lui échappent en partie. Et il en est ainsi depuis le commencement de son exposé jus- qu'à la fin. Sa poésie est un voile derrière lequel on devine une sagesse déjà brillante ; mais le voile est épais et richement brodé, et l'on ne sait si la voix qui nous décrit les représentations dont il est orné vient du côté de la lumière ou du côté de l'ombre. La mutilation d'Ouranos, la défaite des Titans, la victoire définitive de Zeus après l'écrasement de Typhoeus, tous ces grands événements qui se suc- cèdent semblent bien symboliser les phases princi- pales d'une évolution qui va de la violence à la paix, du désordre à l'harmonie, des ténèbres à la lumière. Et pourtant, lorsqu'on veut faire de cette évolution même une des idées directrices du développement, il nous semble que Ton va trop loin. Si le poète en avait clairement conscience, dans quelle intention la cacherait-il ? Quand de telles pensées s'établissent dans un esprit, elles y exercent l'empire. Si elles se dissimulent dans la Théogonie^ n'est-ce pas parce qu'elles étaient obscures pour l'intelligence qui l'a conçue ? Ne disons donc pas que l'unité du poème est dans le développement d'un système fondé sur l'idée de progrès; non, elle est simplement dans la succes- sion des généalogies ; mais ces généalogies révèlent une philosophie latente, dont le poème a profité.

Nous croyons même qu'il faut y chercher la raison de sa naissance. Rien de plus inexact que de se re- présenter la Théogonie comme une œuvre liturgique destinée à fournir des hymnes aux cérémonies reli- gieuses *. Le poème n'a rien de religieux à propre-

1. C*ett l'opiniou exprimée par Gœttliug, dans les Prolégomènes

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