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MÉRITE POÉTIQUE 565

La confusion même de cette énumération a son charme ; il y a quelque bien au milieu des maux, de belles images au milieu des idées tristes : cela ressemble ainsi à la vie, et provoque davantage la pensée.

Toutes ces observations se rapportent aux généa- logies qui forment le fond du poème. Mais à côté des longues énumérations, nous ne devons pas oublier quelques remarquables morceaux épisodiques, où d'autres mérites sont à remarquer, plus accessibles au lecteur moderne.

Ces récits ont bien plus que ceux de l'épopée homérique le caractère populaire. Les aèdes homé- riques, avec un sentiment merveilleux du grand art, semblent avoir su dès l'origine sacrifier dans une narration les faits secondaires, passer rapide- ment sur les explications préalables, et cela pour mettre en lumière les scènes décisives avec toutes leurs ressources dramatiques. 11 n'en est pas ainsi dans la Théogonie, Le poète ressemble à ces gens du peuple qui vous racontent les préliminaires d'une chose importante avec plus de détails que la chose elle-même; comme eux, il faut qu'il rapporte ce qu'on a dit de part et d'autre avant d'agir, et, comme eux aussi, il ne sait le rapporter qu'en faisant parler ses personnages. Celte naïveté a son charme chez lui, comme elle l'aura plus tard chez Hérodote. Chez Tun et l'autre, elle est pleine de vie et de clarté. Les narrations, il est vrai, y perdent en dignité; elles prennent l'apparence de simples contes; mais ces contes ont un naturel et une vérité familière qui rapprochent de nous les inventions mythiques les plus étranges et nous les rendent presque croyables.

« De tous les enfants qui naquirent de Ga?a et d'Ouranos, les Titans furent les plus terribles, et leur père les prit en

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