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LA RACE GRECQUE ET SON GÉNIE

ventions. En Grèce, au contraire, il est difficile, jusqu’à la période alexandrine, de signaler quelque chose d’analogue. Et dans la décadence même, lorsque le génie hellénique n’a plus aussi clairement conscience de sa force ni de son originalité, comme cette liberté native reparaît parfois avec éclat ! En face de Pline et de Tacite, si romains l’un et l’autre, voici Plutarque, avec sa bonne et charmante nature hellénique, si naïvement humaine sous la forme un peu maniérée que son temps lui impose. Enfin quand un Syrien, comme Lucien, s’est fait grec par toute son éducation, par toutes ses lectures, par sa vie tout entière, quelle franchise ne trouve-t-il pas dans cet hellénisme devenu pour lui une seconde nature ! En fait, les Grecs ont été constamment plus voisins qu’aucun autre peuple de la simple vérité humaine. Ce sont eux qui l’ont le moins perdue de vue en tout temps et qui l’ont toujours le plus aisément retrouvée. Par la hardiesse du jugement, par la fantaisie de l’imagination, par la sincérité naïve ou réfléchie des sentiments, l’Hellène échappe à tout ce qui pourrait gêner l’essor de sa nature[1]. Rien d’artificiel ne vient se superposer en lui à la pure humanité. Les caractères propres qu’elle prend dans ses œuvres sont ceux dont il ne peut pas se dispenser, parce qu’il les porte réellement en lui. Ils ne tiennent ni à un rôle accepté ni à une discipline quelconque.

Il nous reste à dire quelques mots, pour terminer ceci, de ce qu’on pourrait appeler la disposition mo-

  1. De là cette personnalité si originale de quelques-uns des grands hommes de la Grèce. On ne trouverait à Rome ni un Socrate, ni un Diogène. Caton le Censeur, comparé à eux, semble raide et gourmé.