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LA LANGUE GRECQUE

terminaient un membre de phrase, cette tonalité élevée frappait vivement l’oreille[1]. Dans l’intérieur des phrases, au contraire, elle s’atténuait volontairement, afin de lier les mots les uns aux autres et de donner au langage plus de fluidité. En somme, par le caractère général de l’accentuation, la façon de parler des Grecs devait produire surtout l’impression d’une facilité élégante et variée.

Le même caractère se montrait dans la constitution intime des mots en ce qui concerne le groupement des sons et leur prosodie. Il suffit de lire comparativement une phrase de Xénophon et une phrase de Tite-Live prises au hasard, pour remarquer immédiatement combien diffère dans les deux langues le nombre proportionnel des voyelles et des consonnes. Pour une même quantité de voyelles, le latin emploie environ un quart de consonnes de plus que le grec. Et pourtant la langue attique, qui est celle de Xénophon, est beaucoup moins riche en voyelles que celle d’Homère, qui l’est elle-même beaucoup moins que celle d’Hérodote. Si l’on établissait une proportion moyenne, elle serait donc encore plus favorable au grec. Parmi les langues littéraires modernes, l’italien seul lui est comparable à cet égard. Mais ce n’est pas seulement par le nombre relatif des voyelles que le grec est remar-

  1. Quelques dialectes locaux, en particulier celui de Lesbos, faisaient exception à cet égard (R. Meister, Die griechischen Dialecte, Goettingen, 1882, I, p. 31 et suiv.) ; mais ce n’est là qu’une particularité sans importance au point de vue général qui est le nôtre. Quant à l’accentuation dorienne, malgré ses caractères propres, elle ne devait pas différer sensiblement du type que nous représentons ici (Ahrens, de Dialecto dorica, Gottingæ, 1843, p. 26 ; R. Meister, Bemerkungen zur dorischen Accentuation, Leipzig, 1883).