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INTRODUCTION

quable ; c’est aussi et surtout par leur indépendance. Le mot grec περιέφερε n’a que cinq voyelles comme le mot latin correspondant circumferebat, mais trois voyelles au moins du mot latin s’unissent dans la prononciation aux consonnes suivantes et forment avec celles-ci des sons composés (ci, cum, bat), tandis que les cinq voyelles du mot grec sonnent avec pureté, comme si elles étaient isolées. Il est à remarquer aussi que les cinq voyelles du mot grec sont brèves, tandis que, sur les cinq du mot latin, trois sont longues. En général les voyelles brèves étaient très nombreuses en grec, bien plus nombreuses qu’en latin. Dans le vers épique latin, c’est le spondée qui domine, surtout avant Virgile ; dans Homère, c’est le dactyle. Ces syllabes brèves échappaient naturellement au renforcement de la voix, à cette augmentation d’intensité qui paraît s’être produite très anciennement pour les syllabes longues par l’effet même de leur durée plus grande. Il en résultait que le rythme général de la prononciation grecque était plutôt facile et coulant que coupé et comme martelé par des intonations vigoureuses.

La netteté et la finesse de l’articulation devaient par suite donner au langage beaucoup de grâce et de clarté sans exiger un grand effort des organes. Il est possible qu’à l’origine, dans la période préhistorique, cette qualité ait même été voisine d’un défaut. Il devait y avoir dans la langue grecque trop de sons simples formés d’une voyelle soit isolée, soit accompagnée d’une seule consonne. Sous cette forme, elle pouvait manquer un peu de vigueur et garder quelque chose d’enfantin. L’instinct populaire y remédia de bonne heure en resserrant les syllabes, principalement par les contractions. Dans la poésie épique la plus ancienne, nous les voyons