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INTRODUCTION

ceux-ci par suite devaient souvent traduire par une périphrase ce que les autres exprimaient par un seul mot. C’est ainsi que nous trouvons en grec un mode de plus qu’en latin, l’Optatif, un temps de plus, l’Aoriste, et des formes temporelles plus nombreuses pour l’Infinitif et le Participe ; nous y rencontrons aussi, à côté de la voix active et de la voix passive, une troisième voix, appelée moyenne, qui permet de marquer par une simple désinence des nuances délicates dans la manière d’envisager le rôle du sujet. De cette comparaison, il serait très inexact de conclure que les Grecs aient pu traduire dans leur langage beaucoup de modifications particulières d’idées ou de sentiments qui échappaient aux Latins. En réalité ceux-ci disaient à peu près les mêmes choses par d’autres procédés, et c’est encore ce qui nous arrive à nous modernes, qui parlons des langues plus analytiques. La différence caractéristique n’est donc pas dans le nombre ni dans la nature des idées exprimées, mais dans le mode d’expression et dans l’état d’esprit qu’il suppose. En général, comme on le sait communément aujourd’hui, le procédé synthétique a prédominé, dans l’histoire des langues, avant le procédé analytique. Il correspond à une certaine phase de l’évolution du langage. Ses avantages et ses inconvénients sont aisés à concevoir. Il donne à la langue quelque chose de régulier et d’ordonné dans la variété ; il permet de constituer autour d’un même radical des séries de formes parallèles, rattachées les unes aux autres par l’analogie et pourtant différentes ; par là il a une sorte de beauté qui tient de celle des œuvres d’art. En outre, il condense plus fortement les pensées, il met plus de sens et de valeur dans chaque mot, il en fait des groupes pleins de vie. Mais l’inconvénient apparaît