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LA REVUE DE PARIS

de vue, nous trouvant maintenant dans un ravin. Il y avait plus de deux heures que nous marchions, sans savoir pourquoi ni où nous allions, lorsque, enfin, nous entendîmes des coups de fusil devant nous. C'étaient encore les Russes aux prises avec les Anglais.

Les Russes, après la prise de Malakoff, qui était la clef de Sébastopol, avaient passé de l'autre côté, ne voulant pas rester pour défendre une ville où il n'y avait plus que des ruines. Ils étaient venus dans l'espoir de surprendre les armées alliées, du moins les portions de ces armées qui devaient se trouver alors au repos, pendant que les mines feraient sauter les environs de Malakoff, de sorte que les vainqueurs se seraient trouvés ensevelis dans leur victoire. Heureusement pour nous, la ruse avait été éventée à temps. Quand les Russes apprirent que nous marchions au secours des Anglais, ils battirent en retraite et tout fut fini.

Le lendemain de la prise de Sébastopol, après avoir assisté au défilé des prisonniers russes, nous retournâmes à notre camp, mais ce ne fut que pour repartir encore le lendemain pour une excursion ou une autre campagne qui devait durer sept mois, dans les plaines de Baïdar, les montagnes de Kardambel, les vallées et les montagnes du Belbeck. Nous partîmes pour cette campagne environ quinze mille hommes et nous en avions, disait-on, devant nous, quarante mille.

JEAN-MARIE DÉGUIGNET

(À suivre)