Page:Démosthène - Œuvres complètes, Stiévenart, 1870.djvu/386

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pris part au gouvernement, je le déclare.

Mais, que devais-je faire ? je te le demande encore. Je tairai, j’oublierai Amphipolis, Pydna, Potidée, l’Halonèse : [70] Serrhium et Doriskos enlevés, Péparèthe saccagée, vingt autres attentats contre la République, je veux même les ignorer. Tu disais pourtant qu’en parlant de ces faits, j’avais précipité Athènes dans la haine de Philippe ; et les décrets d’alors sont d’Eubule, d’Aristophon, de Diopithe, non de moi, entends-tu, orateur dévergondé ? [71] Je n’en dirai rien maintenant. Mais celui qui s’appropriait l’Eubée et s’en faisait un rempart pour inquiéter l’Attique ; celui qui attaquait Mégare, prenait Oréos, rasait Porthmos, installait, comme tyrans, dans Oréos Philistide, Clitarque à Érétrie ; celui qui soumettait l’Hellespont, assiégeait Byzance, détruisait les villes grecques ou y ramenait les bannis ; celui-là violait-il la justice et les traités ? rompait-il la paix, ou non ? [72] Fallait-il que, dans la Grèce, peuple se levât pour l’arrêter ? S’il ne le fallait point, si la Grèce devait devenir, comme on dit, une proie mysienne (37), tandis qu’il existait encore de dignes Athéniens, je l’accorde, nous avons trop fait, moi par mes conseils, vous en les suivant : mais que tous les torts, toutes les fautes ne soient imputés qu’à moi. Au contraire, s’il fallait une barrière, à quel autre qu’au Peuple d’Athènes appartenait-il de se présenter ? C’est à cela que je travaillais alors, moi. Voyant cet homme asservir tous les hommes, je me fis son adversaire, toujours dévoilant ses projets. toujours instruisant les peuples à ne pas tout abandonner à Philippe.

Quant à la paix, Eschine, c’est lui qui l’a rompue en prenant nos navires ; ce n’est pas Athènes. [73] Qu’on produise les décrets avec sa lettre, et qu’on les lise successivement. L’examen de ces pièces montrera clairement la faute et le coupable. — Lis.

Décret.

Sous l’Archonte Néoclès (38), au mois de Boédromion, dans une assemblée extraordinaire convoquée par les stratéges, Eubule de Cypre, fils de Mnésithée, a dit :

Attendu que les stratèges ont annoncé dans l’assemblée que l’amiral Léodamas et les vingt bâtiments envoyés avec lui dans l’Hellespont pour le transport du blé ont été emmenés en Macédoine par Amyntas, général de Philippe, et retenus sous bonne garde.

Les prytanes et les stratèges auront à convoquer le Conseil, et à faire élire des députés qui, dès leur arrivée près de Philippe, [74] réclameront commandant, vaisseaux, soldats.

Si Amyntas a agi par ignorance, le Peuple d’Athènes ne lui reproche rien. S’il a surpris Léodamas outrepassant ses instructions, le Peuple, après information, punira l’amiral selon la faute. S’il n’existe aucun de ces deux cas, et que l’injure vienne du prince ou de son envoyé, les députés en écriront au Peuple, afin qu’il délibère sur le parti à prendre.

[75] Ce décret est donc d’Eubule, non de moi. Vinrent successivement ceux d’Aristophon, d’Hégésippe, d’Aristophon encore, de Philocrate, de Céphisophon, de tous les autres ; mais de ma part, aucun. — Lis.

Décret.

Sous l’Archonte Néoclès, à la vieille et nouvelle lune de Boédromion, de l’avis du Conseil, les prytanes et les stratèges ont fait le rapport de ce qui avait été arrêté dans l’assemblée, savoir :

Qu’on choisira des députés pour aller demander à Philippe le renvoi des vaisseaux, et pour lui communiquez leurs instructions et les décrets du Peuple.

Députés élus : Céphisophon d’Anaphlyste, fils de Cléon ; Démocrite d’Anagyronte, fils de Démoplion ; Polycrite de Cothoce, fils d’Apémante.

La tribu Hippothoontide présidant, Aristophon de Collyte, proèdre, a dit ainsi.

[76] Je cite ces décrets : à ton tour, Eschine, produis celui par lequel j’ai allumé la guerre. Impossible ! autrement, c’est la première pièce que tu présenterais. Sur la guerre, Philippe lui-même ne m’impute rien, quand il en accuse d’autres. Qu’on lise sa lettre.

[77] Lettre de Philippe.

Le roi des Macédoniens, Philippe, au Conseil et au Peuple d’Athènes, joie !

Venus vers moi, vos députés Céphisophon, Démocrite et Polycrite m’ont parlé du renvoi des navires que commandait Léodamas. Tout considéré, vous seriez bien simples de croire me tromper. Ces vaisseaux, envoyés en apparence pour transporter du blé de l’Hellespont à Lemnos, devaient secourir Sélymbrie (39) assiégée par moi, et non comprise dans nos traités. [78] L’ordre en a été donné à l’amiral, à l’insu du Peuple d’Athènes, par certains magistrats, par d’autres qui ne le sont plus, et qui, par tous les moyens, veulent que le Peuple, en dépit de l’amitié qui l’unit à moi, recommence la guerre, ambitionnant bien plus cette rupture que de secourir les Sélymbriens. Ils espèrent qu’un tel résultat leur sera d’un bon rapport. Il me semble pourtant qu’il ne serait utile ni à vous, ni à moi. C’est pourquoi je vous renvoie les navires amenés ici ; et si, à l’avenir, loin de tolérer la perfide politique de vos chefs, vous les punissez, de mon côté je tâcherai de maintenir la paix. Soyez heureux !

[79] Ici, nulle mention de Démosthène ; pas une plainte contre lui. Pourquoi donc, lorsqu’il en accuse d’autres, Philippe se tait-il sur mes actions ? C’est que me désigner, c’eût été rappeler ses injustices par moi épiées, par moi combattues. Il se glissait dans le Péloponnèse : à l’instant je propose une députation (40)pour le Péloponnèse ; il touche à l’Eubée, j’en propose une pour l’Eubée ; il établit des tyrans dans Oréos, dans Érétrie (41) : je demande pour ces deux villes, des députés ? non, mais une armée. [80] Puis je fais partir toutes ces flottes qui sauvent et la Chersonèse, et Byzance, et nos autres alliés. De là, ces éloges, 379 cette