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LA VIE DE MON PÈRE.




Je ne compte pas écrire mes mémoires personnels. Dieu m’en garde ! Ils seraient trop insignifiants. J’ai toutefois regretté souvent, voyant comme tout s’efface et s’oublie, de n’avoir pas mis par écrit, sur le vif, le récit de quelques-uns des événements auxquels j’ai directement assisté. Parfois aussi je me suis dit que j’aurais bien fait de réunir mes souvenirs sur les relations intimes qu’il m’a été donné d’entretenir avec des personnes qui ont joué un rôle considérable dans les affaires de mon temps. Les détails familiers et sincères sur ce qui s’est passé dans l’intérieur des coulisses, les portraits des acteurs surpris dans leur déshabillé ont chance de rendre service aux historiens futurs. Ils peuvent les mettre sur la voie de l’exacte vérité ; ils ont, à tout le moins, l’avantage de les mettre en garde contre les fausses légendes, contre les versions complaisantes accréditées par les intéressés eux-mêmes, et de réduire à néant certaines déclamations et tous ces lieux communs qui risquent d’être reproduits d’échos en échos avec un bruit toujours grossissant. La tâche serait tentante, et peut-être l’entreprendrai-je un jour. Une pensée plus modeste m’a dicté ces pages. M. de Barante, chargé comme c’était l’usage à la Chambre des Pairs sous la Restauration et sous le Gouvernement de 1830, de prononcer l’éloge de mon père, m’avait demandé, en 1847, quelques notes sur la vie d’un collègue