Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/27

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Il répète ma phrase, tout simplement, en y ajoutant une interjection, une toute petite interjection.

Est-ce que ça ne le surprendrait pas, par hasard ?

Pas le moins du monde, car il ajoute :

— Ça ne m’étonne pas de toi.

Il me fait signe de m’asseoir, s’assied lui-même, croise les jambes et continue en se frottant les mains :

— Ça ne m’étonne pas de toi, car je t’ai toujours regardé comme relativement intelligent. Relativement, bien entendu, car, à notre époque, il y a tant d’hommes de talent ! Tu as eu assez d’esprit pour comprendre que l’existence que tu mènes depuis ta sortie du collège ne pouvait pas toujours durer. Qu’avais-tu derrière toi depuis deux ans ? Une vie de fainéant, honteuse et indigne. Qu’avais-tu devant toi ? Mazas. Parfaitement, Mazas. Tu as beau hocher la tête, les enfants qui désobéissent à leurs parents, ne suivent pas les bons exemples et n’écoutent pas les bons conseils finissent toujours à Mazas. Si tu avais cinq ans de moins, je dirais la Roquette, mais tu as dix-neuf ans. Je ne veux pas récriminer, te faire des reproches que tu as pourtant bien mérités ; je ne te parlerai pas de ton ingratitude envers nous que tu ne venais pas voir une fois tous les six mois, de ton indifférence à l’égard de ta tante à qui tu ne daignais même pas envoyer un bouquet pour sa fête. Nous qui avons toujours été si bons pour toi ! qui t’avons toujours donné de si bons avis, absolument comme si tu avais été notre fils ! nous qui te donnions tous les jours notre exemple ! nous qui… Tiens, je vais profiter de ce que nous sommes seuls pour te le dire : la semaine dernière, ta cousine a fait dire une messe à ton intention… pour que vous tourniez bien, Monsieur…