Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/52

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en attendant que la nuit tombe et qu’ils puissent aller s’engouffrer, gueulant bien fort et se tenant par les bras, dans ces bouges où il faut faire la queue, quelquefois, comme au théâtre, devant la porte des putains.

Ô bétail aveugle et sans pensée, chair à canon et viande à cravache, troupeau fidèle et hébété de cette église : la caserne et de sa chapelle : le lupanar ! Ah, oui, je rejoindrai tout à l’heure, avec plaisir, la « boîte » dont je suis sorti hier et où je dois rentrer bientôt. Le rapport me portant ce matin huit jours de prison pour réponse insolente. Plutôt la prison que le spectacle de cet avachissement stupide, de l’écœurante banalité de cette vie misérable ! Plutôt la désertion ― le seul vrai remède peut-être ― plutôt tout que de jouer un rôle, puisque j’ai conscience de son indignité, dans cette comédie ignoble, dans cette parade où Mangin s’impose aux spectateurs et arrive, à force de donner des coups de pied dans le derrière de Vert-de-Gris à se faire prendre au sérieux ― même par sa victime.


J’entends sonner onze heures. Onze heures ! Et l’on n’est pas encore venu me chercher pour me conduire à la « Malle ! » Est-ce qu’ils ne penseraient plus à moi, par hasard ? Je m’étends sur mon lit, mon lit que je ne fatigue pas beaucoup, d’ordinaire ; ce qui d’ailleurs, n’empêche pas le fourrier de m’imputer trimestriellement toutes les dégradations possibles. J’essaye de piquer un roupillon. Je commence à m’endormir.

— Froissard, au bureau !

J’ouvre à demi l’œil gauche. C’est le mar’chef qui m’appelle.

Qu’est-ce qu’il y a donc ?