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432 Distribution géographique.  

pitre suivant), l’extension remarquable des formes aquatiques d’eau douce ; et, troisièmement, l’existence des mêmes espèces terrestres dans les îles et sur les continents les plus voisins, bien que parfois séparés par plusieurs centaines de milles de pleine mer. Si l’existence d’une même espèce en des points distants et isolés de la surface du globe peut, dans un grand nombre de cas, s’expliquer par l’hypothèse que chaque espace a émigré de son centre de production, alors, considérant notre ignorance en ce qui concerne, tant les changements climatériques et géographiques qui ont eu lieu autrefois, que les moyens accidentels de transport qui ont pu concourir à cette dissémination, je crois que l’hypothèse d’un berceau unique est incontestablement la plus naturelle.

La discussion de ce sujet nous permettra en même temps d’étudier un point également très important pour nous, c’est-à-dire si les diverses espèces d’un même genre qui, d’après ma théorie, doivent toutes descendre d’un ancêtre commun, peuvent avoir émigré de la contrée habitée par celui-ci tout en se modifiant pendant leur émigration. Si l’on peut démontrer que, lorsque la plupart des espèces habitant une région sont différentes de celles d’une autre région, tout en en étant cependant très voisines, il y a eu autrefois des migrations probables d’une de ces régions dans l’autre, ces faits confirmeront ma théorie, car on peut les expliquer facilement par l’hypothèse de la descendance avec modifications. Une île volcanique, par exemple, formée par soulèvement à quelques centaines de milles d’un continent, recevra probablement, dans le cours des temps, un petit nombre de colons, dont les descendants, bien que modifiés, seront cependant en étroite relation d’hérédité avec les habitants du continent. De semblables cas sont communs, et, ainsi que nous le verrons plus tard, sont complètement inexplicables dans l’hypothèse des créations indépendantes. Cette opinion sur les rapports qui existent entre les espèces de deux régions se rapproche beaucoup de celle émise par M. Wallace, qui conclut que « chaque espèce, à sa naissance, coïncide pour le temps et pour le lieu avec une autre espèce préexistante et proche alliée ». On sait actuellement que M. Wallace attribue cette coïncidence à la descendance avec modifications.

La question de l’unité ou de la pluralité des centres de création