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LE BANDA ORIENTAL.

charge de saisir et de monter un cheval qui n’a jamais porté ni selle ni bride ; il n’y a, je crois, qu’un Gaucho qui puisse arriver à ce résultat. Le Gaucho choisit un poulain bien développé et, au moment où le cheval galope autour du cirque, il jette son lasso de façon à envelopper les deux jambes de devant de l’animal. Le cheval s’abat immédiatement et, pendant qu’il se débat sur le sol, le Gaucho, tenant le lasso tendu, tourne autour de lui de façon à entourer une des jambes de derrière de l’animal, juste au-dessous du boulet et ramène cette jambe aussi près que possible de celles de devant ; puis il attache son lasso et les trois jambes se trouvent liées ensemble. Il s’assied alors sur le cou du cheval et il fixe à sa mâchoire inférieure une forte bride, mais ne lui passe pas de mors : il attache cette bride en passant, par les œillets qui la terminent, une lanière très-forte qu’il enroule plusieurs fois autour de la mâchoire et de la langue. Cela fait, il lie les deux jambes de devant du cheval avec une forte lanière de cuir retenue par un nœud coulant ; il enlève alors le lasso qui retenait les trois jambes du poulain et ce dernier se relève avec difficulté. Le Gaucho empoigne la bride fixée à la mâchoire inférieure du cheval et le conduit hors du corral. S’il y a là un second homme (autrement l’opération est beaucoup plus difficile), celui-ci maintient la tête de l’animal pendant que le premier lui met une couverture et une selle et sangle le tout. Pendant cette opération le cheval, étonné, effrayé de se sentir ainsi sanglé autour de la taille, se roule bien des fois sur le sol et on ne peut le faire relever qu’à force de coups. Enfin, quand on a fini de le seller, le pauvre animal, tout blanc d’écume, peut à peine respirer, tant il est effrayé. Le Gaucho se prépare alors à s’élancer en selle en appuyant fortement sur l’étrier de façon à ce que le cheval ne perde pas l’équilibre ; au moment où il enjambe l’animal, il tire le nœud coulant et le cheval se trouve libre. Quelques domidors détachent le nœud coulant alors que le cheval est encore couché sur le sol et, assis sur la selle, ils le laissent se relever sous eux. Le cheval, fou de terreur, fait quelques écarts terribles, puis part au galop ; quand il est absolument épuisé, l’homme, à force de patience, le ramène au corral, où il le laisse en liberté tout couvert d’écume et respirant à peine. On a beaucoup plus de peine avec les chevaux qui, ne voulant pas partir au galop, se roulent opiniâtrement sur le sol. Ce procédé de domptage est horrible, mais le cheval ne résiste plus après deux ou trois épreuves. Il faut cependant plusieurs semaines avant qu’on puisse