Page:Daudet - Jack, I.djvu/14

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de hâte, si vite chassées l’une par l’autre, qu’elle semblait toujours garder dans ses yeux l’étonnement de leur fuite. Chez l’enfant, au contraire, on sentait que la pensée était à demeure, et même son air un peu trop réfléchi eût inquiété, s’il n’avait pas été joint à une certaine paresse d’attitudes, un alanguissement de tout ce petit être, les mouvements câlins et timides du garçon élevé dans les jupes de sa mère.

En ce moment, appuyé contre elle, une main glissée dans son manchon, il l’écoutait parler, plein d’une admiration muette, et de temps en temps regardait le prêtre et tout ce qui l’entourait d’un air curieux, comprimé et craintif.

Il avait promis de ne pas pleurer.

Quelquefois cependant un soupir étouffé, comme le reste d’un sanglot, le secouait des pieds à la tête. Alors le regard de la mère se posait sur lui, et semblait dire :

— « Tu sais ce que tu m’as promis… » Aussitôt l’enfant refoulait son soupir et ses larmes ; mais on sentait en lui un grand chagrin, cette cruelle impression d’exil et d’abandon que la première pension cause aux petits qui ont vécu tard près du foyer.

Cette investigation de la mère et de l’enfant, que le prêtre avait faite en quelques minutes, aurait pu satisfaire un observateur superficiel ; mais le père O…, qui dirigeait depuis plus de vingt-cinq ans l’aristocratique institution des Jésuites de Vaugirard, était