Page:Daudet - Jack, I.djvu/32

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de soupirs comprimés et de larmes non répandues.

Quand ils sortirent de là, le temps était si beau, quoique froid, le marché de la Madeleine mettait dans l’air un si doux parfum de violettes, qu’Ida voulut revenir à pied et renvoya la voiture. Alertement, mais de ce pas un peu lent des femmes habituées à se laisser admirer, elle se mit en route, tenant Jack par la main. La marche à l’air vif, la vue des magasins qu’on commençait à éclairer achevèrent de lui rendre sa belle humeur.

Puis, subitement, devant je ne sais quel étalage plus scintillant que les autres, l’idée d’un bal masqué où elle devait aller le soir, bal précédé d’un dîner au cabaret, lui revint à l’esprit.

— Miséricorde !… Et moi qui n’y pensais plus… Vois, mon petit Jack, comme je suis étourdie… vite, vite.

Il lui fallait des fleurs, un bouquet, quelques menus objets oubliés. Et l’enfant, dont cette futilité avait toujours été la vie, qui ressentait presque autant qu’elle-même le charme subtil de ces élégances, la suivait en sautillant, animé par l’idée de cette fête qu’il ne devait pas voir. C’était une de ses joies, la toilette de sa mère, la beauté de sa mère, cette attention admirative qu’elle soulevait sur son passage.

— Ravissant… ravissant… vous m’enverrez cela chez moi, boulevard Haussmann.

Madame de Barancy jetait sa carte, sortait, parlait à