Page:Daudet - Jack, II.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prenti. Le Nantais ne dit rien, mais il tressaillit… Est-ce qu’il serait allé à l’armoire, celui-là, aussi ? Jack triomphait de voir leur étonnement.

— Et il y en a d’autres ! dit-il en tapant sur sa cotte ; puis se penchant à l’oreille du dessinandier :

— C’est pour un cadeau que je veux faire à Zénaïde.

— Vraiment ? fit l’autre en souriant méchamment.

Le cabaretier n’en finissait pas de tourner et de retourner sa pièce avec une certaine inquiétude.

— Mais dépêchez-vous donc ! lui dit Jack. Vous allez me faire manquer le drapeau.

En effet la cloche sonnait encore, mais lentement, en espaçant ses coups comme si elle manquait de voix pour les derniers appels. Enfin la monnaie rendue, ils sortirent tous les deux, bras dessus bras dessous.

— Quel dommage, mon vieux Jack, que tu sois forcé de rentrer à la boîte. Le bateau de Saint-Nazaire ne passe que dans une heure. J’aurais été si heureux de rester encore un peu avec toi ! Ça me fait vraiment du bien de t’entendre. Ah ! si j’avais toujours été conseillé comme cela !

Et, tout doucement il entraînait l’apprenti du côté de la Loire. Celui-ci se laissait faire. Après la chaleur épaisse du cabaret, le froid de la rue l’avait saisi, arrivant sur la troisième tournée. Il marchait comme étourdi, butait à chaque pas, et, le givre étant très glissant, s’appuyait de toutes ses forces au bras de son