Page:De Banville - Les Stalactites.djvu/104

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Moi-même dans tes yeux j’allumerai l’étoile
D’or et de diamant,
Et, père enorgueilli, je te tiendrai sans voile
Sous mes lèvres d’amant !

Car je me sens élu pour ton amour étrange
Qui me cherche et me fuit.
J’ai le cœur de Jacob, et je puis avec l’Ange
Lutter toute une nuit.

La Muse me sait fort, et m’est souvent prodigue
De ses âpres baisers,
Qui font que l’impuissant décroise de fatigue
Ses bras martyrisés.

Toi qu’elle aime, ô poëte, à qui la voix de l’Ode
En ton berceau parlait !
Toi que, petit enfant, la fille d’Hésiode
A nourri de son lait !

Victorieux lutteur, qui tiens en main la palme,
Qui, déjà radieux,
Le front ceint de laurier, trônes dans le bleu calme
Pareil aux demi-dieux !

Si je te parle ainsi de la Déesse, ô maître !
C’est que dans ce moment,
À la face du ciel, toi seul et moi peut-être
L’aimons sincèrement.


Mai 1845.