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PRÉFACE

éternellement à la poésie lyrique de devancer comme une aurore la philosophie humaine.

L’auteur espère que les lecteurs des Cariatides remarqueront avec plaisir dans Les Stalactites, non point un changement, mais une certaine modification de manière, qui, pour être légère, n’en est pas moins importante ; les personnes dont l’esprit noblement curieux s’attache parfois aux lentes transformations et aux progrès d’un écrivain sauront sans doute gré à l’auteur des Cariatides d’avoir, dans son style primitivement taillé à angles trop droits et trop polis, apporté cette fois une certaine mollesse qui en adoucit la rude correction, une espèce d’étourderie qui tâche à faire oublier qu’un poëte, quelque poëte qu’il soit, contient toujours un pédant.

En effet, il ne serait pas plus sensé d’exclure le demi-jour de la poésie, qu’il ne serait raisonnable de le souhaiter absent de la nature ; et il est nécessaire, pour laisser certains objets poétiques dans le crépuscule qui les enveloppe et dans l’atmosphère qui les baigne, de recourir aux artifices de la négligence. C’est le métier qui enseigne à mépriser le métier ; ce sont les règles de l’art qui apprennent à sortir des règles.

C’est surtout quand il s’agit d’appliquer des vers à de la musique qu’on sent vivement cette bizarre et délicate nécessité, et surtout encore lorsqu’il faut exprimer