Page:De Banville - Les Stalactites.djvu/184

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Pardonne-moi si je te pleure,
Car, ô maître, c’est l’humble ami
Qui prie et sanglote à cette heure
Auprès du lutteur endormi.

Mais ma propre fierté s’irrite
De s’attrister en ces douleurs,
Et je sais qu’un tel deuil mérite
Bien autre chose que des pleurs !

Car, ô pur génie, âme immense
Qu’emplissait la sainte beauté,
À cet instant pour toi commence
Une double immortalité.

Et tandis que de ta poitrine,
Déployant son aile de feu,
Ce qui fut la flamme divine
S’envole et retourne vers Dieu,

Fier meurtrier de la nuit noire,
Vainqueur du silence étouffant,
Ton génie entre dans la gloire,
Libre, superbe et triomphant.

Cependant que tes filles pleurent
Et que tes fils sont pleins d’effroi,
Mornes comme ceux qui demeurent
Après des hommes tels que toi ;