Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 1.djvu/101

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

petites îles moindres que celle où j’étais, situées à trois lieues environ vers l’Ouest.

Je reconnus aussi que l’île était inculte, et que vraisemblablement elle n’était habitée que par des bêtes féroces ; pourtant je n’en apercevais aucune ; mais, en revanche, je voyais quantité d’oiseaux dont je ne connaissais pas l’espèce. Je n’aurais pas même pu, lorsque j’en aurais tué, distinguer ceux qui étaient bons à manger de ceux qui ne l’étaient pas. En revenant, je tirai sur un gros oiseau que je vis se poser sur un arbre, au bord d’un grand bois ; c’était, je pense, le premier coup de fusil qui eût été tiré en ce lieu depuis la création du monde. Je n’eus pas plus tôt fait feu, que de toutes les parties du bois il s’éleva un nombre innombrable d’oiseaux de diverses espèces, faisant une rumeur confuse et criant chacun selon sa note accoutumée. Pas un d’eux n’était d’une espèce qui me fût connue. Quant à l’animal que je tuai, je le pris pour une sorte de faucon ; il en avait la couleur et le bec, mais non pas les serres ni les éperons ; sa chair était puante et ne valait absolument rien.

Me contentant de cette découverte, je revins à mon radeau et me mis à l’ouvrage pour le décharger. Cela me prit tout le reste du jour. Que ferais-je de moi à la nuit ? Où reposerai-je ? En vérité je l’ignorais ; car je redoutais de coucher à terre, ne sachant si quelque bête féroce ne me dévorerait pas. Comme j’ai eu lieu de le reconnaître depuis, ces craintes étaient réellement mal fondées.

Néanmoins, je me barricadai aussi bien que je pus avec les coffres et les planches que j’avais apportés sur le rivage, et je me fis une sorte de hutte pour mon logement de cette nuit-là. Quant à ma nourriture je ne savais pas encore comment j’y suppléerais, si ce n’est que