Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 1.djvu/293

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vie, avaient mis fin à mon industrie et à toutes les améliorations que j’avais projetées pour mon bien-être. J’étais alors plus occupé du soin de ma sûreté que du soin de ma nourriture. De peur que le bruit que je pourrais faire ne s’entendît, je ne me souciais plus alors d’enfoncer un clou, de couper un morceau de bois, et, pour la même raison, encore moins de tirer mon mousquet. Ce n’était qu’avec la plus grande inquiétude que je faisais du feu, à cause de la fumée, qui, dans le jour, étant visible à une grande distance, aurait pu me trahir ; et c’était pour cela que j’avais transporté la fabrication de cette partie de mes objets qui demandaient l’emploi du feu, comme la cuisson de mes pots et de mes pipes, dans ma nouvelle habitation des bois, où, après être allé quelque temps, je découvris à mon grand ravissement une caverne naturelle, où j’ose dire que jamais Sauvage ni quelque homme que ce soit qui serait parvenu à son ouverture n’aurait été assez hardi pour pénétrer, à moins qu’il n’eût eu comme moi un besoin absolu d’une retraite assurée.

L’entrée de cette caverne était au fond d’un grand rocher, où, par un pur hasard, — dirais-je si je n’avais mille raisons d’attribuer toutes ces choses à la Providence, — je coupais de grosses branches d’arbre pour faire du charbon. Avant de poursuivre, je dois faire savoir pourquoi je faisais ce charbon, ce que voici :

Je craignais de faire de la fumée autour de mon habitation, comme je l’ai dit tantôt ; cependant, comme je ne pouvais vivre sans faire cuire mon pain et ma viande, j’avais donc imaginé de faire brûler du bois sous des mottes de gazon, comme je l’avais vu pratiquer en Angleterre. Quand il était en consomption, j’éteignais le brasier et je conservais le charbon, pour l’emporter chez moi et l’em-