Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 1.djvu/307

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au bout d’une demi-minute frappa mon oreille. Je reconnus par le son qu’il devait être dans cette partie de la mer où ma pirogue avait été drossée par les courants.

Je songeai aussitôt que ce devait être un vaisseau en péril, qui, allant de conserve avec quelque autre navire, tirait son canon en signal de détresse pour en obtenir du secours, et j’eus sur-le-champ la présence d’esprit de penser que bien que je ne pusse l’assister, peut-être lui m’assisterait-il. Je rassemblai donc tout le bois sec qui se trouvait aux environs, et j’en fis un assez beau monceau que j’allumai sur la colline. Le bois étant sec, il s’enflamma facilement, et malgré la violence du vent il flamba à merveille : j’eus alors la certitude que, si toutefois c’était un navire, ce feu serait immanquablement apperçu ; et il le fut sans aucun doute : car à peine mon bois se fut-il embrasé que j’entendis un troisième coup de canon, qui fut suivi de plusieurs autres, venant touts du même point. J’entretins mon feu toute la nuit jusqu’à l’aube, et quand il fit grand jour et que l’air se fut éclairci, je vis quelque chose en mer, tout-à-fait à l’Est de l’île. Était-ce un navire ou des débris de navire ? je ne pus le distinguer, voire même avec mes lunettes d’approche, la distance étant trop grande et le temps encore trop brumeux, du moins en mer.

Durant tout le jour je regardai fréquemment cet objet : je m’apperçus bientôt qu’il ne se mouvait pas, et j’en conclus que ce devait être un navire à l’ancre. Brûlant de m’en assurer, comme on peut bien le croire, je pris mon fusil à la main, et je courus vers la partie méridionale de l’île, vers les rochers où j’avais été autrefois entraîné par les courants ; je gravis sur leur sommet, et, le temps étant alors parfaitement clair, je vis distinctement, mais à mon grand chagrin, la carcasse d’un vaisseau échoué pendant la nuit