Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 1.djvu/369

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qu’il était d’un genre intermédiaire entre celui-là et le bois de Nicaragua, duquel il tenait beaucoup pour la couleur et l’odeur. Vendredi se proposait de brûler l’intérieur de cet arbre pour en faire un bateau ; mais je lui démontrai qu’il valait mieux le creuser avec des outils, ce qu’il fit très-adroitement, après que je lui en eus enseigné la manière. Au bout d’un mois de rude travail, nous achevâmes notre pirogue, qui se trouva fort élégante, surtout lorsque avec nos haches, que je lui avais appris à manier, nous eûmes façonné et avivé son extérieur en forme d’esquif. Après ceci toutefois, elle nous coûta encore près d’une quinzaine de jours pour l’amener jusqu’à l’eau, en quelque sorte pouce à pouce, au moyen de grands rouleaux de bois. — Elle aurait pu porter vingt hommes très-aisément.

Lorsqu’elle fut mise à flot, je fus émerveillé de voir, malgré sa grandeur, avec quelle dextérité et quelle rapidité mon serviteur Vendredi savait la manier, la faire virer et avancer à la pagaie. Je lui demandai alors si elle pouvait aller, et si nous pouvions nous y aventurer. — « Oui, répondit-il, elle aventurer dedans très-bien, quand même grand souffler vent. » — Cependant j’avais encore un projet qu’il ne connaissait point, c’était de faire un mât et une voile, et de garnir ma pirogue d’une ancre et d’un câble. Pour le mât, ce fut chose assez aisée. Je choisis un jeune cèdre fort droit que je trouvai près de là, car il y en avait une grande quantité dans l’île, je chargeai Vendredi de l’abattre et lui montrai comment s’y prendre pour le façonner et l’ajuster. Quant à la voile, ce fut mon affaire particulière. Je savais que je possédais pas mal de vieilles voiles ou plutôt de morceaux de vieilles voiles ; mais, comme il y avait vingt-six ans que je les avais mises de côté ; et que j’avais pris peu de soin pour leur conservation, n’imaginant pas