Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 1.djvu/401

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pour être sûr qu’il était juste ; cependant, quand plus tard je vérifiai mon calcul, je reconnus que j’avais tenu un compte fidèle des années.

Il n’y avait pas moins de huit jours que je les attendais, quand survint une aventure étrange et inopinée dont la pareille est peut-être inouïe dans l’histoire. — J’étais un matin profondément endormi dans ma huche ; tout-à-coup mon serviteur Vendredi vint en courant vers moi et me cria : — « Maître, maître, ils sont venus ! ils sont venus ! »

Je sautai à bas du lit, et, ne prévoyant aucun danger, je m’élançai, aussitôt que j’eus enfilé mes vêtements, à travers mon petit bocage, qui, soit dit en passant, était alors devenu un bois très-épais. Je dis ne prévoyant aucun danger, car je sortis sans armes, contre ma coutume ; mais je fus bien surpris quand, tournant mes yeux vers la mer, j’apperçus à environ une lieue et demie de distance, une embarcation qui portait le cap sur mon île, avec une voile en épaule de mouton, comme on l’appelle, et à la faveur d’un assez bon vent. Je remarquai aussi tout d’abord qu’elle ne venait point de ce côté où la terre était située, mais de la pointe la plus méridionale de l’île. Là-dessus j’appelai Vendredi et lui enjoignis de se tenir caché, car ces gens n’étaient pas ceux que nous attendions, et nous ne savions pas encore s’ils étaient amis ou ennemis.

Vite je courus chercher ma longue vue, pour voir ce que j’aurais à faire. Je dressai mon échelle et je grimpai sur le sommet du rocher, comme j’avais coutume de faire lorsque j’appréhendais quelque chose et que je voulais planer au loin sans me découvrir.

À peine avais-je mis le pied sur le rocher, que mon œil distingua parfaitement un navire à l’ancre, à environ