Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 1.djvu/60

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au-dessus de la crique où nous étions nous trouvâmes que l’eau douce ; quand la marée était basse elle remontait fort peu avant. Ainsi nous emplîmes nos jarres, nous nous régalâmes du lièvre que nous avions tué, et nous nous préparâmes à reprendre notre route sans avoir découvert un vestige humain dans cette portion de la contrée.

Comme j’avais déjà fait un voyage à cette côte, je savais très bien que les îles Canaries et les îles du cap Vert n’étaient pas éloignées ; mais comme je n’avais pas d’instruments pour prendre hauteur et connaître la latitude où nous étions, et ne sachant pas exactement ou au moins ne me rappelant pas dans quelle latitude elles étaient elles-mêmes situées, je ne savais où les chercher ni quand il faudrait, de leur côté, porter le cap au large ; sans cela, j’aurais pu aisément trouver une de ces îles. En tenant le long de la côte jusqu’à ce que j’arrivasse à la partie où trafiquent les Anglais, mon espoir était de rencontrer en opération habituelle de commerce quelqu’un de leurs vaisseaux, qui nous secourrait et nous prendrait à bord.

Suivant mon calcul le plus exact, le lieu où j’étais alors doit être cette contrée s’étendant entre les possessions de l’Empereur de Maroc et la Nigritie ; contrée inculte, peuplée seulement par les bêtes féroces, les nègres l’ayant abandonnée et s’étant retirés plus au midi, de peur des Maures ; et les Maures dédaignant de l’habiter à cause de sa stérilité ; mais en vérité les uns et les autres y ont renoncé parce qu’elle est le repaire d’une quantité prodigieuse de tigres, de lions, de léopards et d’autres farouches créatures ; aussi ne sert-elle aux Maures que pour leurs chasses, où ils vont, comme une armée, deux ou trois mille hommes à la fois. De fait, durant près de cent milles de suite sur cette côte nous ne vîmes pendant le jour qu’un pays